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LE GRAND STADE – UNE FORME FORTE DANS LA VILLE [fr] | Yann Houllard

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INTRODUCTION

«Quand nous décrivons une ville, nous nous occupons principalement de sa forme; cette forme est une donnée concrète qui se réfère à une expérience concrète : Athènes, Rome, Paris. Elle se résume dans l’architecture de la ville[1]

«Ou bien on assimile la ville à un grand objet construit, un ouvrage d’ingénierie et d’architecture plus ou moins grand, plus ou moins complexe, qui grandit dans le temps, ou bien on se réfère à des fragments plus limités de l’ensemble urbain, à des faits urbains caractérisés par une architecture propre, et donc par une forme propre[2] .»

Voici deux propos  d’Aldo Rossi qui introduisent les questions de ce mémoire.

Tout ce que nous produisons, en tant qu’architecte se résume en une forme. Lorsque nous dessinons un bâtiment, un quartier, un ville, nous pouvons le résumer dans une forme architecturale.

Alors, ville, architecture et forme sont indissociables car l’un influence l’autre et vice versa. La ville se dessine par l’ensemble des édifices architecturés qui la constitue et inversement. Le rapport entre la ville et l’architecture, la forme de la ville et de ses éléments est donc une question primordiale.

Cette interrogation en fait intervenir une deuxième : celui de l’objet et du tissu, de leur relation.

Le dessin, le choix d’une forme dans le processus de conception architectural engendre la production d’éléments qui se trouvent être soit des objets, soit des éléments du tissu.

Comme l’explique Robert Venturi dans De l’ambiguïté en architecture, l’objet est un élément convexe : un plein travaillé dans un vide peu travaillé, le tissu est lui un élément concave : un vide travaillé dans un tissu peu travaillé.

Cette dichotomie entre objet et tissu provoque des questionnements sur la spatialité de la ville lorsqu’ils se rencontrent. Comment l’objet, figure autonome, peut-il s’intégrer dans le tissu urbain?

Ces questions, nous pouvons les traiter au travers du stade et tout particulièrement du Grand Stade. Le Grand Stade est un des équipements caractéristiques de la métropole du XXIème siècle. Il n’existe pas de Grande Ville sans Grand Stade. Il a la particularité d’être un objet isolé du reste de la ville, dont la forme architecturale se retrouve très peu dans le reste de la ville.

Mais pourquoi Grand Stade? Grand Stade est une précision typologique. Notre travail s’interrogera donc sur les stades de plus de 20 000 places. Cette précision engendre des interrogations beaucoup plus nombreuses à l’échelle de la ville notamment en terme de forme architecturale mais aussi de symbole et de monumentalité.

Cela nous amène donc à nous questionner sur le Grand Stade. Quelle forme possède le Grand Stade ? Est-elle archétypique ? En quoi le Grand stade est-il un objet architectural? Comment une forme autonome peut-elle s’intégrer au tissu urbain ? Quelle tension existe-t-il entre l’objet et la texture ? Le stade est-il une enceinte dans la ville ? Quel dialogue l’enceinte entretient-elle avec la ville ?

 

COMMENT LA FORME PEUT-ELLE ENGENDRRER UN OBJET ARCHITECTURAL SINGULIER EN TENSION AVEC LE TISSU URBAIN?

 

Pour répondre à cette problématique j’émets l’hypothèse que le stade existe en tant qu’objet singulier dans le tissu grâce à sa forme. Que cette forme produit une enceinte architecturale qui l’isole de la ville par le biais de dispositifs spatiaux.

Pour cela, nous emprunterons une approche systémique, nous analyserons par le dessin une série de bâtiments : Le stade d’Olympie (Grèce), l’amphithéâtre Flavien (Italie), le stade San Nicola de Bari (Italie), le Stade Charléty (France), le Stade de France (France), l’Allianz Arena de Munich (Allemagne) ainsi que le stade Olympique de Pékin (Chine). De ces analyses, nous tenterons d’en retenir des récurrences, des différences, des relations qui nourriront notre propos. Nous nous appuierons également sur un ouvrage d’Aldo Rossi : L’architecture de la Ville et de Colin Rowe: Collage City pour étayer nos propos.

Dans un premier temps, nous nous interrogerons sur les origines du stade et l’évolution de sa forme jusqu’à aujourd’hui en nous attardant sur les cas du stade grec d’Olympie, puis le Colisée, amphithéâtre romain, et enfin aborder nos études de cas contemporaines. Nous essaierons de comprendre s’il existe un archétype du stade et si oui, comment se traduit-il aujourd’hui.

Puis nous nous intéresserons au caractère autonome de l’objet architectural dans la ville en interrogeant la notion de permanence de la forme elliptique puis en discutant de la tension inévitable qu’il existe entre l’objet et le tissu urbain pour finalement comprendre que le stade joue un rôle de symbole et de repère grâce à sa forme architecturale.

Enfin, dans un dernier temps, nous nous questionnerons sur la concavité et la convexité de l’enceinte urbaine que constitue le stade. Nous analyserons les différents dispositifs architecturaux qui fabriquent le stade et leurs conséquences sur la spatialité et l’intégration du stade dans la ville.

 

I . DU LIEU À L’OBJET ARCHITECTURAL – LE STADE, UN ARCHÉTYPE ÉVOLUTIF

 

Fig 1: Le stade de Delphes, lieu topographique (Grèce)

Fig 2 : Le stade d’Olympie, ouvert sur le paysage (Grèce)

 

A. LE STADE GREC, LE STADE ORIGINEL

 

Même si l’apparition de lieux de pratique du sport (en public) est antérieur à la civilisation grecque (il existait déjà des structures temporaires en bois vouées à cela chez les égyptiens) on peut considérer le peuple grec comme étant le premier à édifier des stades.

La pratique du sport est alors reliée aux pratiques religieuses. Les jeux de Delphes, par exemple, étaient rattachés au culte d’Appolon. Les jeux Olympiques antiques, qui sont sinon les premiers, les jeux les plus connus, étaient une des activités pratiquées lors des Olympiades, un événement dédié au culte de Zeus (où se retrouvait l’ensemble des cités grecques). Le stade est alors le lieu, accueillant les épreuves sportives.

 

1. Lieu topographique, ouvert sur le paysage

 

Dans l’antiquité grecque, le stade ne se constitue pas comme un édifice. Il ne possède ni mur, ni couverture. En effet ce dernier se rapporte plus au lieu qu’à l’édifice. C’est un espace déterminé, dédié au rassemblement des individus mais sans limite physique. Le stade, par sa forme, crée donc une intériorité, s’isole des autres espaces du sanctuaire.

Le stade grecque trouve son intériorité par l’aménagement du sol, la création d’une topographie propre à l’isolement. En prenant le stade de Delphes ou d’Olympie comme exemple, on s’aperçoit que le stade s’implante parallèlement à la pente du site. Alors, une partie des gradins, se trouve simplement déposée sur le sol. Face à ce gradin naturel, une deuxième tribune va venir se former par l’évidement de la piste et la constitution d’un monticule (fig 3). La piste se trouve alors encadrée par deux tribunes, espaces privilégiés pour assister aux courses.

« Les limites du stade grec comme le tableau limité par un cadre offre une qualité visuelle supérieure, celle d’incarner une « unité intérieure » […] L’analogie semble pertinente en ce sens que là où les jointures du tableau orientent le regard vers l’intérieur, dans le stade, c’est le regard de l’ensemble des spectateurs, lui aussi, qui se tourne vers l’intérieur, renforçant et soulignant l’intériorité de l ‘espace[3]. »

Ce que l’on comprend à travers les propos de

Marc Perelman, c’est que le gradin, par sa surface et son inclinaison concentre l’attention du spectateur vers un intérieur. C’est là que l’aménagement du sol prend tout son sens. Par la création d’une intériorité, lorsque tous les regards convergent vers un même espace (celui de la piste), un lieu se dessine, celui du stade (fig 4).

Ce qui est d’autant plus remarquable c’est que cette intériorisation ne se matérialise en aucun cas par une limite physique entre un intérieur et un extérieur.

A l’instar des autres édifices grecs (le théâtre notamment), le stade est toujours largement ouvert vers le paysage (fig 5). On s’aperçoit que malgré l’évidage et donc la création de masses de part et d’autre de la piste, l’horizon est toujours perceptible. L’espace n’est pas clos, il est ouvert.

 

2. Un déploiement linéaire, le mouvement générateur d’espace

 

Le stade grec possède des dimensions très particulières. En effet le mot «stade» définit avant tout une mesure grecque équivalant à environ 180m (il existe des variations selon les cités : 192m à Olympie, 177m à Athènes) soit 600 pieds (issu du mythe d’Héraclès). Cette mesure de 600 pieds est une norme que l’on retrouve sur l’ensemble des stades et qui correspond à la distance réglementaire d’une course, définissant donc la longueur du stade. La largeur oscille entre 28 et 30m pour pouvoir accueillir toujours, indépendamment du stade, le même nombre d’athlètes.

Fig 3 : Le stade grec – creuser le sol _______ Fig 4 : Lieu topographique, créateur d’intériorité

 

 

Fig 5 : Un lieu ouvert sur le paysage

Fig 6 : Le stade d’Olympie, forme linéaire et infinie _____Fig 7 : Le stade de Delphes, forme linéaire et orienté _____ Fig 8 : Le stade grec, l’espace généré par le mouvement

 

C’est donc le sport, l’activité sportive qui va définir la morphologie du stade. Il est rectangulaire, marqué par une importante longueur (fig 6). Le stade a les dimensions nécessaires pour une course, ni plus ni moins. Il est linéaire et fixe.

Cette notion de stade fini est d’autant plus lisible dans la morphologie du stade de Delphes. En effet si l’une des extrémités du stade est ouverte sur le paysage, la deuxième se referme par un demi-cercle qui relie les deux gradins (fig7). Le stade est alors à la fois orienté et fini, car seul la distance d’un stade peut être parcouru d’un seul tenant.

C’est donc le mouvement de l’athlète qui va générer l’espace du stade. C’est une scène pour le spectacle de la course, linéaire et finie. L’ensemble de la forme, de l’architecture  de ce stade (les gradins, la piste) s’orientent autour du mouvement de l’athlète (fig 8).

 

3. Continuité, le stade comme une place urbaine

 

Enfin, ce stade, dont on vient de définir la morphologie et l’espace, entretient un rapport fort avec son contexte.

Le stade n’est avant tout pas situé dans la ville mais près du sanctuaire puisqu’il est associé aux pratiques religieuses. Il possède un lien très fort avec ce dernier.

Lorsqu’on observe la figure 9, on remarque que le stade d’Olympie est quasiment attenant au sanctuaire par l’une de ses extrémités.

De plus, son orientation est telle, que si l’on dessine l’axe central qui traverse le stade, on observe qu’il se dirige droit vers le centre du sanctuaire : le temple de Zeus.

Cela est d’autant plus juste que lors des compétitions, les athlètes couraient en direction de l’Altis, c’est à dire vers le Temple de Zeus, pour qui l’événement était organisé.

A Delphes, compte-tenu de la topographie, le stade était bien plus éloigné du sanctuaire, cependant, une route unique et sinueuse marquait le lien fort qui existait entre le stade et le sanctuaire.

On peut donc dire que le stade par sa position géographique et par son orientation est en dialogue constant avec l’espace urbain qui l’entoure.

Et comme nous l’avons dit précédemment, il n’existe aucune limite, aucun obstacle visuel ou physique qui établirait un lien entre l’intérieur et l’extérieur du stade.

Alors, la continuité urbaine est évidente (fig 10), le stade est un espace public. On pourrait même le considérer comme une place définit comme un «lieu public consistant en un espace plus ou moins large, découvert […] où ont lieu souvent des activités commerciales, festives ou publiques[4]».

Il est un espace de rassemblement ouvert à tous, une place ouverte.

 

 

Fig 9 : Le stade d’Olympie, tourné vers le centre du sanctuaire

 

Fig 10 : Le stade grec, un espace continu

 

B. L’AMPHITÉÂTRE ROMAIN, UN ÉDIFICE ARCHÉTYPIQUE

 

Le lieu du spectacle sportif va évoluer dans la civilisation romaine. En effet les sports couramment pratiqués par les grecs ne sont pas les plus appréciés par la population romaine. Les sports comme l’athlétisme ou la course à pied vont tomber en désuétude. Par la même occasion, le stade comme le pense les grecs va lui aussi pour ainsi dire, disparaître.

Cependant d’autres lieux du sport vont voir le jour comme le cirque ou l’amphithéâtre. Si le cirque se substitue à l’hippodrome grec, l’amphithéâtre, lui, va remplacer le stade. Il devient l’édifice principal dédié aux nouvelles pratiques sportives comme les combats de gladiateurs ou la chasse aux fauves. Les pratiques sont alors bien plus théâtrales, plus proches du spectacle.

 

1. De la topographie à l’édifice – soulèvement du stade

 

Finalement, le stade grec n’était qu’un aménagement urbain, un aménagement du sol qui cependant permettait de répondre aux besoins élémentaires du spectacle sportif, celui d’accueillir le public autour des athlètes dans l’admiration des exploits sportifs.

L’amphithéâtre se veut comme un soulèvement de cet équipement sportif. Du sol, il va se soulever pour devenir un édifice (fig 12).

 

Fig 12 : Le soulèvement du stade grec: l’amphithéâtre

On peut d’ailleurs appuyer ce constat par l’observation de l’amphithéâtre de Pompéi et du Colisée. L’amphithéâtre de Pompéi, édifié vers 80 av J-C constitue un intermédiaire entre un édifice et un aménagement topographique. Il est l’un des plus anciens amphithéâtres romains. Un mur commence alors à se dresser mais ne mesure que quelques mètres de hauteur.

Le Colisée, construit vers 70 ap J-C, aussi appelé amphithéâtre Flavien, devient véritablement un édifice (fig 11).

Fig 11 : Amphithéâtre de Pompéi et Colisée, évolution du lieu à l’édifice (Italie)

Cette évolution, engendre la création d’une limite dans la ville. L’amphithéâtre devient une frontière entre deux espaces : un intérieur où se déroule le spectacle sportif, et l’extérieur appartenant à la ville. La différenciation entre les deux espaces est claire et permet d’établir un intérieur totalement centré sur le spectacle sportif (fig13).

Fig 13 : L’arène, un espace creux, isolé de la ville

Alors que le stade grec, comme nous l’avons vu précédemment se présentait comme un aménagement du sol, l’arène romaine elle va se constituer en tant qu’édifice. Le stade va se soulever du sol pour devenir un bâtiment.

Ce changement de typologie, engendre la création de limites beaucoup plus importantes et claires. La notion d’un intérieur et d’un extérieur construit par l’arène devient évidente.

 

2. L’ellipse, une enceinte radio-concentrique

 

Si le stade se soulève pour devenir une limite, sa forme change également. L’amphithéâtre adopte une nouvelle géométrie, celle de l’ellipse.

Si l’on s’intéresse à l’étymologie du mot amphithéâtre, il provient du latin Amphi-, qui signifie «des deux côtés» et de theatrum, «le lieu où l’on regarde».

Le processus de conception qui a mené à cette forme elliptique est évident : c’est la rencontre de deux théâtres grecs, deux demi-cercles mis bout à bout pour former un espace fermé, ovoïde (fig15).

Fig 14 : Le Colisée, un espace clos mais poreux (Italie)

 

Fig 15: Du théâtre à l’amphithéâtre, de l’édifice ouvert à l’espace clos

 

Fig 16 : Du point à l’ellipse, enjeux géométriques

Alors que le théâtre grec, tout comme dans certaines mesures le stade grec, était un aménagement du sol, un aménagement topographique qui s’ouvrait largement sur le paysage, l’amphithéâtre lui, vient se refermer sur lui-même. Par cette manipulation de deux demi-sphères, l’édifice qui était ouvert sur le paysage devient nettement radio-concentrique. Son centre est l’arène, l’espace du spectacle. Propos que l’on peut appuyer par une citation de Hervé Gaudin à propos du stade Charléty : «voilà des lignes qui s’enroulent pour satisfaire à la théâtralité du lieu[5]». Le paysage est rejeté en dehors de l’édifice pour ne laisser place qu’au spectacle sportif.

Cette forme elliptique est aussi la conséquence de besoins techniques. Avec les nouvelles pratiques sportives du monde romain, l’ellipse produit une forme sans angle-mort. Contrairement au rectangle ou au carré, et offre, depuis les gradins  une vue dégagée sur l’ensemble de l’arène et ce, depuis n’importe quelle place.

Mais si l’on s’intéresse d’avantage à la figure géométrique de l’ellipse (fig16), on s’aperçoit qu’elle découle avant tout du cercle et du point.

Dans Architecture. Form, Space and Order, Francis D.K. Ching, définit le point comme une position dans l’espace. Ce point est à la fois sujet à une force centrifuge (a) mais aussi centripète (b): il attire et repousse à la fois, il est le centre d’un champs de rayonnement (c). Francis Ching définit aussi l’ellipse comme une figure géométrique issue de la déformation de la forme primaire du cercle (h). Le cercle lui, est forcément caractérisé par un point qui constitue son noyau (d), et chaque point du cercle est à équidistance de ce centre. Ce point étant lui-même le centre d’une symétrie radiale (e).

Lorsque l’on s’intéresse au rapport des points entre l’intérieur et l’extérieur du cercle on s’aperçoit que l’intérieur du cercle est capté par la centralité de la forme (concavité) (f) mais que son extérieur se diffuse aussi largement (convexité) (g) et ce de manière uniforme.

Si l’on rapproche cette analyse du cercle à l’usage de l’amphithéâtre romain, on comprend que la centralité est un enjeu majeur de l’édifice afin de mettre en valeur le spectacle sportif. Placer l’athlète au c?ur de l’édifice c’est rendre son rôle central. Comme les planètes tournent autour du soleil, les spectateurs tournent autour de l’arène, de l’athlète.

Mais l’amphithéâtre n’est pas circulaire, il est elliptique. L’ellipse, comme nous l’avons dit, est une déformation du cercle (h), figure primaire et stable. Cette déformation est issue d’une tension le long d’un axe transversal. Cependant l’ellipse possède toujours un centre de gravité, un centre visuel (i, k, m)mais aussi deux foyers (n).

Comme le stade grec était rectangulaire afin d’accompagner l’athlète dans leur course, il est alors possible de dire que la forme elliptique est la conséquence à la fois d’un sport devenu plus théâtral que mobile (et donc central) et du mouvement des athlètes.

Mais cette ellipse que nous avons analysée dans sa forme possède aussi une force que ne possède pas d’autres formes stables comme le rectangle ou le carré : elle est très difficilement combinable (l). Elle ne peut pas se multiplier, s’agréger à d’autres formes pour former ce que Colin Rowe appelle une «texture». Dans une ville, un édifice de forme elliptique se retrouve donc autonome, détaché du tissu (fig 17).

Fig 17 : Le colisée, un édifice elliptique, isolé du tissu urbain

L’ellipse, parce que l’on peut en faire le tour, sans discontinuité, possède un caractère d’unicité, qui en fait une forme isolée, autonome.

 

C. LE GRAND STADE CONTEMPORAIN, UNE NOUVELLE FIGURE
1. Disparition d’un équipement et Jeux Olympiques modernes

 

Cet équipement, qui est l’un des plus caractéristiques de la civilisation romaine va disparaître pendant près de 1300 ans. A la chute de l’Empire Romain, la société n’est plus centralisée comme elle l’était, c’est une société féodale sans pouvoir central. La population n’est alors pas réunie autour d’une culture commune permettant l’édification ou l’utilisation d’un espace unique. Le sport est pratiqué différemment, à l’occasion d’événements particuliers et éphémères (le tournoi par exemple) «dans des espaces moins circonscrits, plus ouverts, souvent non limités[6]» comme les places, les abords des villes.

L’édifice sportif  qu’est le stade n’existe donc plus pendant près de 1300 ans. C’est en 1896 que réapparaîtra l’édifice du stade pour la première fois avec Pierre de Coubertin qui organise les premiers Jeux Olympiques modernes autrement appelés les «Jeux de la première olympiade».

Pierre de Coubertin souhaite alors renouer fortement avec l’héritage des Jeux Olympiques grecs. Un événement organisé tous les 4 ans, réunissant les nations du monde entier et qui se déroule donc à Athènes.

C’est dans le stade Panathénaïque que les jeux se dérouleront. Ce stade fut construit en 329 av. JC mais complètement reconstruit pour l’occasion. La reconstruction reprend strictement le modèle du stade grec, Le plan est linéaire, accompagnant les athlètes dans le course (comme à Olympie), les gradins sont continus, se retournant à une extrémité pour former un «U» (comme à Delphes) mais il est également topographique, c’est une masse creusée dans le relief de la colline et ouvert sur un paysage (fig 18). Il se rapproche cependant de l’amphithéâtre romain car les gradins sont aménagés, hauts, et forment, avec la topographie de la colline, une frontière entre la ville et l’intérieur du stade (fig 19).

Fig 18: Stade Panathénaïque, le stade grec antique comme archétype (Athènes).

Fig 19 : Le stade Panathénaïque, un obstacle urbain

Le stade reprend néanmoins point par point le modèle du stade grec. Seule son échelle change légèrement puisqu’il conserve la longueur d’un stade (environ 200m) mais peut  accueillir près de 45 000 spectateurs (grâce aux hauts gradins).

Avec cette reconstruction contemporaine, le stade grec devient un véritable archétype puisqu’il devient un «modèle primitif et idéal[7]» servant à la conception de stades contemporains (même si celui-ci est une reconstruction et non pas une construction nouvelle).

Cependant, si nous venons de montrer que le stade grec est un archétype du stade, ce n’est peut être pas celui-ci qui est utilisé aujourd’hui.

 

2. Tensions et déformations d’un archétype face aux nouvelles pratiques sportives.

 

En effet ce modèle grec, linéaire, n’est pas celui qui sera utilisé pour les grands stades contemporains.

Si on s’intéresse au stade San Nicola de Bari, au stade  Charléty, au stade de France , à l’Allianz Arena et au stade Olympique de Pékin, construits respectivement en 1990, 1994, 1998, 2000 et 2008. On observe que c’est l’archétype de l’amphithéâtre qui a été choisi. En effet tous adoptent la figure d’une enceinte construite autour d’un vide central : celui du terrain.

Ce choix de l’archétype romain, celui d’une forme autonome qui isole l’espace intérieur de l’environnement s’explique par les usages contemporains du stade.

Le stade n’est plus un lieu dédié à la pratique unique de l’athlétisme mais devient omnisport. On y pratique des sports nouveaux et multiples comme le football, le rugby mais il devient aussi lieu de spectacle et accueille des concerts. Il se rapproche alors plus des questions auxquelles répond l’amphithéâtre romain que celles du stade grec : le stade contemporain est le lieu du spectacle sportif mais aussi culturel.

Mais si c’est l’archétype romain qui ressort dans l’analyse de ces stades contemporains, on en observe pas moins une déformation engendrant des tensions au sein de l’objet.

Effectivement, les nouvelles pratiques du stade engendrent inévitablement de nouvelles spatialités. Les terrains sportifs changent de forme, ils deviennent carrés, rectangulaires, mais jamais elliptiques (comme dans l’amphithéâtre). Ce changement morphologique déforme alors les gradins qui entourent le terrain (fig6).

A ce sujet, Martin Steinmann dit : «Il est maintenant clair […] que la tension découle d’une déformation – la déformation d’une forme première qui reste présente dans la seconde. Ainsi la tension du parallélogramme ne provient t-elle pas du fait qu’il est la déformation d’un rectangle. [8]». Une tension existe alors dans la forme du stade, il se retrouve contraint entre la figure idéale de l’ellipse: de l’archétype, et celle des usages contemporains: le rectangle.

Dans le cas du Stade de Bari (Italie) ou du Stade Charléty (France), le stade conserve une forme elliptique pure même si le terrain devient rectangulaire, les gradins s’éloignent alors par moment de façon importante du terrain. Dans le cas du Stade de France, les gradins tendent à former une enceinte rectangulaire mais ils conservent toujours un certain rayon de courbure, particulièrement dans les angles. C’est la toiture qui vient corriger ces déformations en établissant une forme claire bien qu’en tension entre l’ellipse et le rectangle.

Finalement une autre forme du stade va émerger : le stade «à l’anglaise». Cette forme apparaît au milieu du XXème siècle en Angleterre avec la pratique du football et du rugby. Le stade entier devient rectangulaire pour que les tribunes soient au plus près du spectacle sportif.

C’est ce système qui a été appliqué au Matmut Atlantique Arena de Bordeaux construit en 2015. Le stade n’est plus elliptique, il est rectangulaire (fig 21).

Fig 20: Le terrain, les déformations du stade contemporain

Fig 21 : Les déformations du stade contemporain (Colisée, Stade Charléty, Stade de France et Matmut Atlantique Arena)

Fig 21 : Les déformations du stade contemporain (Colisée, Stade Charléty, Stade de France et Matmut Atlantique Arena)

 

Fig 22: Le stade contemporain et l’archétype romain

L’archétype du stade, cette forme idéale est-elle abandonnée? Si l’on s’intéresse aux conséquences géométriques et spatiales de ces déformations (fig 22), on s’aperçoit, que les déformations n’altèrent en rien l’essence de la forme archétypique.

Le stade conserve toujours une centralité forte (d) et un caractère symétrique par rapport à deux axes structurants (a). La continuité du parcours autour de l’objet n’est quasiment pas altérée  (b) (seulement dans le cas du rectangle mais un traitement architectural rend impossible la multiplication de l’objet pour former un tissu) et les proportions, l’organisation du plein autour du vide central sont toujours identiques (c). Même ces dimensions monumentales restent toujours les mêmes par rapport au tissu environnant.

C’est ce qu’aborde Martin Steinmann à propos de la forme forte et de sa signification: «La gare routière communique sa fonction à travers sa forme, que nous connaissons par l’intermédiaire d’autres bâtiments semblables.[9]»

«La forme d’un objet et la signification qui lui correspond repose sur des propriétés générales telles que haut ou bas, fermé ou ouvert, foncé ou clair, etc. Des signes conventionnels ne pourraient s’appuyer sur de telles propriétés si ces dernières ne présentaient pas déjà, dans l’expérience quotidienne, l’ombre de significations.[10]»

Les déformations et donc la tension qui existe dans ces nouvelles formes ne changent en rien l’appartenance du stade contemporain à l’archétype romain. La forme des stades modernes génère toujours dans l’esprit de l’observateur un lien avec la forme primitive du Colisée de Rome. Sa signification est toujours la même. L’archétype évolue tout en conservant ses caractéristiques propres.

Le stade possède donc une forme. Cette forme est archétypique puisqu’elle devient au XXème siècle un type idéal, un modèle à reprendre pour la conception des stades modernes.

Cet archétype est cependant évolutif puisque de linéaire et infini, il devient elliptique et central. Le Grand Stade contemporain déformera même cette forme archétypique pour l’adapter à ses usages contemporains.

S’il existe un archétype du stade, se pose alors la question de la permanence du stade.

 

II. L’OBJET DANS LA VILLE – UNE FORME AUTONOME DANS LE TISSU

 

Fig 23 : Le stade de France, un symbole dans la ville

A. LE STADE, UN POINT DE REPÈRE DANS LA VILLE

 

Dans L’image de la cité, Kevin Lynch tente de classifier la ville. «Dans les villes étudiées jusqu’ici, le contenu que l’on peut rapporter aux formes physiques peut  être classé sans inconvénient suivant cinq types d’éléments : les voies, les limites, les quartiers , les n?uds et les points de repère[11]».

Il établit donc deux types particuliers pour ce qu’il appelle les n?uds et les points de repère. Les n?uds sont «des points stratégiques dans la ville, pénétrables par un observateur», ils sont des polarisateurs,des points de rassemblement. Il évoque également que ces n?uds peuvent être le résumé d’un quartier sur lesquels ils rayonnent, un symbole à l’échelle de la ville.

Les points de repère, eux, sont des événements ponctuels dans la ville, mais auquel l’observateur n’a pas accès, ils sont «externes». Ils sont pensés pour être vus sous tous les angles, à des distances multiples. Il prend l’exemple des tours isolées, des dômes dorés, ….

Le Grand Stade, par sa forme se situe à l’entre-deux de ces types, il est un point de repère du fait de sa monumentalité et de sa forme forte mais il est également un n?ud puisqu’il devient un point de rassemblement pour les amateurs de sport de la ville entière, une place fermée.

Il est donc intéressant de comprendre comment la forme du stade en fait un élément singulier et reconnaissable dans la ville.

1. Monumentalité, une rupture d’échelle facteur d’identité

 

Ce qui caractérise particulièrement le Grand Stade dans la ville ce sont ses dimensions. Il fait partie de ces éléments dont l’importance se traduit par la grandeur, l’échelle de l’édifice.

«Comme l’utilisation de points de repère implique qu’on choisisse un seul élément au milieu d’une armée de possibles, la qualité physique clé qui caractérise cette catégorie d’éléments, est la singularité, aspect par lequel il se détache sur le contexte comme unique ou mémorable. Les points de repère deviennent plus faciles à identifier, plus aptes à être choisis comme significatifs s’ils ont une forme claire, ; s’ils contrastent avec l’arrière plan et si leur localisation dans l’espace ressort de quelque façon. Le contraste avec le fond du décor semble être le facteur principal.[12]»

C’est donc ici que réside en partie la qualité de symbole du Grand Stade, dans le caractère unique de ses dimensions, dans le vocabulaire monumental qu’il emploie.

Les dimensions du stade sont colossales, pour exemple le Stade de Pékin (Chine) mesure 331m x 280m, le Stade de Bari (Italie) 210m x 267m. Elles font du stade un objet singulier dans la ville puisqu’elles le distinguent des autres éléments (fig XX). Il devient un événement dans le parcours de l’observateur puisqu’il agit comme une enclave urbaine que l’on peut percevoir : un mastodonte .

Le stade se distingue aussi par sa hauteur : le Stade de France  dépasse la hauteur moyenne du bâti environnant (22m) pour culminer à 46m (fig 24), le Stade de Bari, de 44m domine le territoire environnant étant placé sur un monticule(fig 25), le Stade de Pékin culmine lui à plus de 69m (fig 26).

Fig 24 : Le stade de France en rupture avec le contexte

Fig 25 : Le stade, un repère dans Bari (Italie)

Fig 26 : Pékin, un symbole dans la ville (Chine)

Il devient donc un élément perceptible dans l’espace sur une zone très étendue. Il façonne la silhouette de la ville et devient littéralement un point de repère, se distinguant du reste de la métropole par sa monumentalité (fig 27).

Fig 27 : Le stade, un mastodonte urbain (Allianz Arena de Munich,)

Fig 27 : Le stade, un mastodonte urbain ( Stade Charléty)

Fig 27 : Le stade, un mastodonte urbain ( Stade de Pékin)

Fig 27 : Le stade, un mastodonte urbain (Stade de Pékin)

« Le fait d’avoir une position spatiale prédominante peut faire d’éléments des points de repère, de deux manières différentes; soit en rendant l’élément visible de beaucoup d’endroits, soit en créant localement un contraste avec les éléments voisins, c’est à dire une variation dans l’alignement et la hauteur[13].»

Mais cette monumentalité ne se traduit pas seulement par les volumes généraux de l’édifice. C’est aussi au travers du vocabulaire architectural employé que  le monument-stade apparaît dans la ville.

Dans plusieurs édifices comme le Stade de France, le Stade de Bari ou le Stade Charléty par exemple, l’usage d’éléments monumentaux renforce l’idée d’un point de repère fort dans la ville. Le Stade de France possède 18 escaliers imposants, 19 haubans culminants comme des colonnes à 46m de hauteur, et une toiture qui offre un espace expérimentable de 35m de haut.

Le stade devient ainsi, depuis toutes les directions, un espace compris comme exceptionnel, un événement compte tenu de ses dimensions.

Ce que l’on saisit, par les mots de Kevin Lynch d’ailleurs, c’est que la rupture entre l’objet et son contexte, rupture d’échelle mais aussi rupture du vocabulaire employé, qui rend le Grand Stade unique dans la ville. C’est par ce travail de la forme qu’il devient un point de repère important. « Le point de repère se singularise par rapport au fond de décor que constitue la ville toute entière[14]

 

2. Une forme qui rassemble, mémoire collective d’un monument

 

L’autre particularité de la forme du Grand Stade est qu’elle est elliptique. Hervé Gaudin dit à ce sujet «L’idée de l’ellipse c’est l’idée d’une forme qui rassemble, d’une forme qui s’accorde à la convivialité, d’une forme embrassante[15]».

Fig 28 : Concert de Coldplay au Stade de France

Fig 29 : Une forme qui rassemble, lieu de la mémoire collective (Stade de France)

La concavité de l’ellipse engendre donc un sentiment d’appartenance à un instant collectif. Tous les points appartenant à l’éllipse sont attirés par le centre de la figure (fig16).

L’ellipse rassemble autour d’un centre qui galvanise le stade entier autour d’un seul événement. Il devient alors le réceptacle privilégié d’une histoire commune, d’une mémoire collective : l’espace où se produit des événements marquants.

Il suffit de prendre l’exemple du Stade de France ou du Stade de Pékin pour comprendre la teneur de ces propos.

Ces lieux ont été le théâtre de grands événements qui les ont fait entrer dans l’histoire collective. Le Stade de France est le lieu où l’équipe de France a gagné la coupe du monde en 1998, il est également le lieu des plus grands concerts que la France ait connu, en 2024, il sera l’édifice qui accueillera la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques. Le stade de Pékin à d’ailleurs déjà accueilli cette cérémonie, l’inscrivant dans nos mémoires.

A plus petite échelle, des stades comme le stade de Bari ou le Stade Charléty marquent nos esprits par les victoires significatives des clubs y résidants.

C’est d’ailleurs l’ensemble de ces événements qui à long terme, font de cet édifice elliptique, un élément singulier de la ville, un monument.

Aloïs Riegl dans Le culte moderne des monuments l’évoque lorsqu’il parle des trois valeurs d’un monument : la valeur historique, l’ancienneté et la valeur commémorative

Cette valeur commémorative signifie que parce que le lieu à été le théâtre de nombreux événements collectifs qui ont marqué l’histoire de la population de la ville, il est le témoin et le témoignage d’une histoire commune. Il possède donc le statut de monument.

Fig 30: Les arènes d’Arles et de Nîmes , des faits urbains permanents

Fig 331: Les arènes d’Arles et de Nîmes , des faits urbains permanents

B.  LE STADE : FAIT URBAIN, FIGURE DE PERMANENCE

 

«Il est également significatif que cette valeur des monuments, contrairement à ce que croient de nombreux auteurs, constitue la caractéristique marquante de la ville et même le seul cas où toute la structure du fait urbain soit exprimée par la forme, on pourrait dire que le monument est une permanence, parce qu’il occupe déjà une position dialectique à l’intérieur du développement urbain[16]»

Le stade est donc un élément de la ville qui se distingue par son caractère de monument. Il va jouer un rôle important dans la dynamique urbaine, notamment par la force de sa forme.

 

1. L’exception dans la ville : le stade , un fait urbain

 

«Ou bien on assimile la ville à un grand objet construit, un ouvrage d’ingénierie et d’architecture plus ou moins grand, plus ou moins complexe, qui grandit dans le temps, ou bien on se réfère à des fragments plus limités de l’ensemble urbain, à des faits urbains caractérisés par une architecture propre, et donc par une forme propre[17] .»

Aldo Rossi définit la ville par son architecture. La forme devient alors un facteur prépondérant dans la conception urbaine,

De cette réflexion, émerge la notion de fait urbain. Le fait urbain est un élément, un fragment de la ville, qui par sa forme propre et puissante, va devenir un événement important  et structurant dans la cité.

Ce fait urbain, Rossi le compare également à la notion d’?uvre d’art, il dit : «Ce caractère artistique des faits urbains est étroitement lié à leur qualité, à leur unicité leur « unicum ».[18]»

C’est parce qu’il est seul, unique, qu’il se distingue du reste des éléments de la ville, qu’un bâtiment peut être qualifié de fait urbain.

Le fait urbain est donc un élément, qui par sa forme, s’établit comme un objet important et distinguable dans la ville. C’est ainsi qu’intervient la notion d’élément premier. Ces derniers s’opposent aux habitations parce qu’ils sont publics. Il accueillent des activités fixes c’est à dire hôpitaux, écoles, etc.

« Les éléments premiers ne sont pas plus des monuments qu’ils ne sont des activités fixes; au sens général, ils sont ces éléments capables d’accélérer le processus d’urbanisation d’une ville et, par rapport à un territoire plus vaste, des éléments qui caractérisent les processus de transformation spatiale du territoire. Ils agissent souvent comme des catalyseurs.[19]»

Par cette phrase, Rossi sous-entend que le monument, l’élément premier, est un point singulier de la ville qui est structurant. C’est un fait urbain qui peut être résumé par sa forme et cette forme, parce qu’elle est fixe, devient un point stable depuis laquelle la ville peut se développer.

Le stade concentre l’ensemble de ces qualités, il est un édifice dont la forme le structure et le distingue dans la ville. En effet, il possède la qualité d’être unique, il ne s’associe pas à l’image d’autres édifices. Il peut alors devenir un élément structurant dans la ville dont la forme deviendra un élément de permanence.

 

2. Le stade, élément permanent dans la dynamique urbaine

 

« Puisque toute fonction n’est visible qu’à travers une forme, et que la forme est ce qui permet l’existence d’un fait urbain, nous pouvons affirmer que dans tous les cas il existe une forme, un élément urbain qui permet l’identification ; et si  cette forme peut subsister, on peut également penser qu’avec elle subsiste un fait urbain, quel qu’il soit, et que peut être comme nous le verrons, ce qui constitue par excellence le fait urbain, c’est ce qui subsiste au milieu d’un ensemble en transformation.[20]»

Par ses mots, Aldo Rossi émets l’idée que la forme du fait urbain est à l’origine de sa permanence. Le fait urbain est toujours associé à une fonction qui se traduit inévitablement par une forme.

Par exemple, le stade, qui est un fait urbain, traduit sa fonction par la forme elliptique. Cette figure est simple, forte , archétypique et peut donc devenir persistante dans la forme de la ville. Le fait urbain se retrouve alors être un élément fixe, régulateur, structurant. Sa forme le rend stable dans un tissu pris d’une dynamique de renouvellement.

De plus en faisant émerger la notion de fait urbain, Rossi fait apparaître l’idée de permanence. En se basant sur les écrits de Poëte, il met en évidence le fait que la permanence d’une ville se situe avant tout dans le tracé de ses voies et de son plan, dans des faits antérieurs (des faits urbains) qui subsistent ou non mais qui à chaque fois marquent de leur forme la spatialité de la ville.

C’est ainsi que les concepts de monument et de fait urbain persistant convergent. La permanence du fait urbain se traduit particulièrement dans le monument puisqu’il contient en lui, «des valeurs constitutives, par l’histoire et par l’art, par l’être et par la mémoire[21]»

Rossi ajoute «La permanence ici ne signifie pas seulement qu’avec ce monument vous expérimentez encore la forme du passé mais que la forme physique du passé a assumé des fonctions différentes et qu’elle a continuer d’exister en conditionnant cet environnement urbain dont elle est encore aujourd’hui, un foyer important.[22]»

Permanence ne signifie alors pas forcément permanence physique, permanence de l’utilisation du fait urbain mais plutôt permanence de sa forme dans la ville, permanence des spatialités du fait urbain, bien après la disparition de sa fonction d’origine.

 

3. Résurgence des arènes d’Arles : la forme permanente

 

Cette permanence du fait urbain grâce à sa forme, et son caractère catalyseur sont notamment visibles dans le cas des arènes d’Arles.

A la fin de l’Empire Romain, les villes ne sont plus ouvertes sur le paysage et commencent à construire des remparts pour se protéger des éventuelles attaques. Elles se resserrent sur-elles même et diminuent leur surface, laissant à l’abandon les édifices publics en dehors des remparts.

Cependant, à Arles, la ville se concentrera à l’intérieur des arènes romaines. Ces dernières deviendront les remparts d’une ville de 2 000 habitants (fig 32), et l’arène deviendra la place centrale de cette ville dans laquelle on rentre par quatre portes situées aux quatre points cardinaux.

Fig 32 : Résurgence de la forme de l’amphithéâtre disparue au Moyen-âge (Arles)

Plus tard, c’est de cette arène que repartira la croissance de la cité, l’arène deviendra un point central de la ville.

Aldo Rossi écrit de cette anecdote : «elle nous amène aussi à faire quelques remarques sur la dimension; elle montre en effet que la qualité de certains faits urbains est plus forte que leur dimension.

L’amphithéâtre a une forme précise et sa fonction est elle aussi sans ambiguïté, il n’a pas été pensé comme un contenant indifférent […] Mais un événement extérieur [….]bouleverse sa fonction, un théâtre devient une ville[23]»

La forme est si forte, claire et structurée, que la fonction de l’édifice peut changer, il peut devenir une ville, et pourtant sa forme ne changera pas. C’est une forme puissante. Elle peut dès lors, des centaines d’années plus tard, ressurgir et ré-exister dans sa fonction initiale (fig 33).

Fig 33 : Résurgence de la forme de l’amphithéâtre disparue au Moyen-âge (Arles)

On peut alors dire que la permanence d’un fait urbain, celui du stade, réside en partie dans sa forme architecturale qui est si puissante et autonome, qu’elle existe et subsiste au cours du temps parmis un tissu en transformation.

Fig 34 : Le stade Charléty et le tissu urbain (Paris)

 

C. UN OBJET ARCHITECTURAL EN TENSION AVEC LE TISSU URBAIN

 

Cet élément de la ville, que nous pouvons nommer fait urbain est donc une figure puissante, pouvant exister par elle même. Cependant cette forme est intégrée dans la ville, se pose alors la question du dialogue que le stade doit avoir avec le tissu urbain.

 

1. L’objet architectural, une forme autonome

 

Jusqu’à présent nous avions démontré que le stade possédait une figure propre : l’ellipse. Cette ellipse possède la caractéristique de n’être pas combinable, alors, comment s’intègre-t-elle au tissu environnant, quelle tension spatiale peut exister entre deux morphologies, celle de l’objet et celle du tissu?

«L’objet est une exception, une rupture de règle, un isolement ou du moins l’articulation d’une figure sur un fond. Le fond n’est pas neutre. Il sera en état d’équilibre et de tension avec l’objet[24]»

Par ces propos, on comprend que l’objet architectural est une figure qui se détache de tout autre objet mais qui possède un caractère unique que ne possède pas le tissu. C’est d’ailleurs ce que dit Aldo Rossi du fait urbain lorsqu’il parle de leur «unicum». Le stade l’est tout particulièrement puisqu’il est convexe.

A aucun moment il ne peut se confondre avec le tissu contrairement aux églises qui parfois (à Rome notamment) s’insèrent dans le tissu urbain et n’existent en tant qu’élement singulier que par le traitement de leur façade. Aucune ambiguïté ne peut exister.

Lorsqu’on observe les figures 35 à 38, on s’aperçoit que le stade est toujours placé à distance du tissu, il existe un espace interstitiel qui éloigne l’objet du tissu.

Dans le cas du stade de France, cela se traduit par un parvis qui entoure le stade, A Pékin, c’est un parc urbain reliant l’ensemble des équipements olympiques.

Un seul stade tente de rompre avec la distanciation de l’objet : le stade Charléty. L’enjeu majeur pour les architectes (Hervé et Bruno Gaudin) était de construire un stade dans la ville, un stade avec la ville.  L’équipement est alors associé à un bâtiment construit également par les architectes (et accueillant entre autre le siège du Comité Olympique Français). Cet édifice constitue un élément du tissu et crée une façade sur la rue, un lien fin le relie au stade. Ce dernier devient alors un élément du tissu tout en restant une figure relativement autonome (car distinguable).

Pierre Von Miess écrit à propos de cet espace entre l’objet et la ville. «Les objets demandent un dégagement, s’il est minime, il peut créer une tension souhaitée entre les éléments, mais il ne peut pas être supprimé.[25]» Le vide est donc bien un matériau structurant de la forme autonome. C’est ce qu’on observe clairement dans les figures 35 à 38. Cet espace  neutre est donc bien un élément qui révèle l’objet architectural, il lui est indispensable pour qu’il puisse exister en tant que forme autonome.

Cet espace isole l’objet du reste de la ville, le faisant apparaître «comme une figure devant un fond[26]», l’objet est alors autonome, sans réel dialogue avec le tissu urbain.

 

Fig 35 : Le stade de Pékin, un objet parmi les objets (Chine)

Fig 35 : Le stade de Pékin, un objet parmi les objets (Chine)

Fig 36 : Le stade de France et le tissu urbain parisien

Fig 36 : Le stade de France et le tissu urbain parisien

Fig 37 : L’Allianz Arena, en limite de la ville.

Fig 37 : L’Allianz Arena, en limite de la ville.

Fig 37 : L’Allianz Arena, en limite de la ville.

Fig 37 : L’Allianz Arena, en limite de la ville.

Fig 39 : L’objet et la texture (Weisbaden vers 1900)

 

2. L’objet et la texture, une tension dans la ville

 

Le stade est donc un objet architectural à la forme autonome, stable, fixe.

Collin Rowe, dans Collage City, évoque l’existence de deux entités urbaines qui s’opposent : l’objet et ce qu’il nomme la texture. L’objet est une conception urbaine moderne, c’est une réponse aux problèmes d’insalubrité qu’a pu rencontrer le tissu. L’attention se concentre alors sur l’architecture de l’édifice pour lui apporter lumière, air et confort dans un souci hygiéniste. Il s’agit de faire disparaître la ville dans un milieu «pur et naturel»

Rowe le résume en «une accumulation de vides dans un plein peu travaillé [27]»(fig39). C’est le stade.

La texture se réfère à une conception traditionnelle de la ville, c’est une «matrice ou une texture dense et continue[28]» qui tire son énergie de la spécification de ses espaces. Sa structure est claire constituée de rues et de places, la texture l’est moins, elle est changeante, ne se fixe jamais. Rowe résume cette fois ci la texture en disant «c’est une accumulation de pleins dans un vide peu travaillé[29]» (fig39).

Alors, «dans chaque cas, le fond laisse apparaître une catégorie totalement différente de figures – d’un coté l’objet, et de l’autre l’espace[30]».

L’objet était censé remplacer la texture parceque cette dernière était jugée hors du temps, ne répondant pas aux exigences modernes. Cependant , elle n’a jamais été remplacée et la ville d’aujourd’hui tend à être un amas d’objets en confrontation avec la texture.

En effet, Rowe critique largement l’objet dans la ville car ce dernier est incapable de s’appuyer sur le contexte existant. Il prend pour exemple plusieurs projets de Le Corbusier comme l’Unité d’habitation ou le Plan Voisin (fig XX) et montre que c’est le contexte, donc la texture qui doit se plier aux exigences de l’objet. Il n’existe pas de compromis possible dans la forme de l’objet.

Mais nous avons remarqué, dans les figures 35 à 38, que le stade, malgré sa mise à distance avec le tissu (car texture et objets sont de prime abord incompatibles) reussit quand même à s’intégrer dans le tissu urbain.

On peut donc se poser la question de la nature de cet objet. Est-il comme l’Unité d’Habitation : un objet architectural qui ne peut s’intégrer dans un contexte de manière fluide (ayant une forme trop rigide) ou appartient il à un autre type d’objet, capable d’être à la fois convexe mais aussi concave (qualité normalement propre à la texture). Quelle est la nature de l’enceinte du stade dans son rapport à la ville?

 

Fig 40 : L’objet et la texture (Plan Voisin, Paris 1925)

 

III. L’ENCEINTE DU STADE – ENTRE RUPTURE ET SUTURE URBAINE

 

Fig 41 : Le gradin, dispositif de l’enceinte – Stade de Bari (Italie)

 

A. CONCAVITÉ, LE STADE S’ISOLE DE LA VILLE

 

On a donc compris que le stade pouvait se définir comme un objet architectural, une clôture. Il serait maintenant intéressant de comprendre la nature de cette enceinte, d’en repérer les éléments qui établissent une dichotomie entre deux mondes que seraient celui du stade et celui de la ville, ou qui établissent un lien entre ces derniers.

 

1. LE GRADIN, UNE LIMITE VERTICALE

 

«Un stade sans public n’est qu’un terrain de sport[31]», le gradin est donc l’élément fondamental du stade, celui qui le définit par excellence et qui en est son essence. L’édifice peut être sans toiture, avec des pistes toujours différentes mais ne peut pas se passer de tribune s’il veut exister en tant que stade.

 

a) Discontinuum, le gradin comme dispositif stéréotomique

 

Ni le terrain, ni le contexte ne matérialisent la forme du stade, c’est le gradin qui dessine les contours elliptiques de l’édifice. Il est le dispositif architectural qui matérialise la forme elliptique, et l’idée d’enceinte qui en découle. C’est lui qui par sa morphologie, vient replier le stade sur lui-même engendrant par conséquent la création d’un intérieur et d’un extérieur.

Dans El muro, Jesus Aparicio aborde l’idée d’une pensée stéréotomique en opposition à la pensée architectonique. «L’espace tectonique est un espace continu avec l’extérieur, c’est un espace sans plus de limites que celle de l’horizon»[32] .

Le stade lui, par le dispositif du gradin, devient une véritable paroi étanche à l’environnement extérieur, il s’apparente donc plutôt à la pensée stéréotomique : «L’architecture stéréotomique est universelle, elle naît de la sublimation de l’idée. Cette idée universelle est paroi et espace intérieur et n’est pas liée à un lieu[33]». La tribune est finalement une limite, qui déconnecte l’espace intérieur qu’elle produit de la ville, elle agit tel un mur, une paroi stéréotomique qui établit une discontinuité claire et franche entre un intérieur et un extérieur (c’est la notion de continuum et de discontinuum qu’il aborde).

C’est d’ailleurs ce qu’affirme Marc Perelman en parlant du stade : «Il se présente comme une barrière difficile à franchir. Puis une fois franchie, il est une limite encore poreuse mais qui sépare nettement son propre espace de celui de la ville. Le stade représente un lieu à part entière , une entité close, davantage renforcée parce qu’il tourne le dos à la ville, s’élevant comme une clôture, parfois assez haute[34]».

Le gradin est finalement un mur stéréotomique établissant une discontinuité de l’espace intérieur avec la ville. Il crée un espace clos, fermé, introverti (fig 6).

On peut distinguer deux principales façons de traiter cette limite.

 

b) Mur habité et membrane, deux approches pour un obstacle

 

Par l’analyse des différents stades du corpus, on s’aperçoit que  la limite, la paroi que constitue le gradin peut être traitée de deux façons différentes : ce que nous appellerons le mur habité et la membrane.

– Le mur habité. Dans ce premier cas, le gradin existe dans son épaisseur. Il n’est pas qu’un support structurel dédié à l’accueil des spectateurs. La sous-face, cet espace libre et abrité devient un espace clos et habité par l’adjonction d’une deuxième paroi (donnant sur la ville). Le programme du stade peut donc s’y implanter (loges, vestiaires, locaux techniques, etc).

Fig 42 : Dualité de la courbe : espace concave et convexe

Fig 43 : Continuité et discontinuité de l’espace par la paroi

Fig 44 et 45 : La membrane et le mur habité

Fig 46 : Le gradin habité de l’Allianz Arena de Munich (Allemagne)

Fig 47 : Le membrane du Stade San Nicola de Bari (Italie)

 

Fig 48 : Le membrane diaphane du Stade Charléty (France)

Fig 49 : Le gradin habité du Stade de France (Paris)

 

Fig 50 : Le gradin habité du Stade de Pekin (Chine)

C’est d’ailleurs ce qu’aborde Venturi en disant «On peut manifester la contradiction entre l’intérieur et l’extérieur en doublant la paroi, ce qui crée un volume supplémentaire entre cette doublure et le mur extérieur[35]».

L’épaisseur de la tribune, dans les trois dimensions, est alors occupée et constitue une véritable frontière, qui s’expérimente dans le temps (puisque épaisse), entre le terrain et la ville (fig 51).

La membrane. Dans ce cas ci, la limite est réduite à son minimum, elle est diaphane, éthérée, elle est seulement une fine pellicule. Cette membrane ne se matérialise que par la structure du gradin. C’est seulement la matière dont le gradin a besoin pour exister et donc répondre à sa fonction d’accueillir le public qui vient établir une limite.

Cette limite est si fine qu’elle laisse les regards la traverser. Dans le cas du stade San Nicola de Bari, seule l’épaisseur du gradin établit une rupture entre le stade et la ville. Cette membrane fine et d’autant plus légère qu’elle n’est plus continue (contrairement au premier cas). Chaque accès donne lieu à une faille établissant un lien visuel (même si il est faible) entre l’extérieur et l’intérieur de l’objet.

Cependant, si l’observation que nous avons fait jusqu’ici est évidente, dans certains cas la dichotomie intérieur/extérieur est remise en question par les architectes. C’est notamment le cas avec le Stade Charléty. Henri et Hervé Gaudin, ont souhaité rétablir une continuité entre la ville et le stade à l’instar du stade grec.

Alors que dans l’ensemble des autres exemples, on établissait clairement une opposition entre deux mondes, le Stade Charléty dialogue intensément avec la ville. La membrane n’existe pour ainsi dire plus, le gradin n’est réduit qu’à son essence structurelle («comme un squelette mis à nu[36]») laissant largement les regards pénétrer à l’intérieur du stade.

Fig 51 : Le mur habité du Stade de Pékin

Fig 52 : L’oculus central et la toiture – Stade de France (Paris)

 

Fig 53 : La toiture, élément d’intériorisation

Les architectes utilisent également la topographie du lieu pour encaisser le stade de 5 mètres et offrent donc une faille visuelle horizontale entre les tribunes inférieures et supérieures. Les architectes imaginent donc le stade comme un prolongement de la ville et non comme un objet posé, sans rapport avec son contexte.

C’est une véritable remise en question du statut du gradins que proposent Hervé et Henri Gaudin. Comme une suture plutôt qu’une rupture.

 

2. LE TOIT, LIMITE HORIZONTALE

 

Le gradin est l’élément architecturale qui établit une limite entre la ville et le terrain sportif. Il crée un intérieur et un extérieur, deux entités qui s’opposent plus ou moins mais il ne permet pas d’intérioriser l’espace du stade (fig 53): c’est le rôle du toit.

 

a) Un élément d’intériorisation: contenir le vide

 

En effet, le gradin crée un espace clos, la toiture, elle, crée un espace couvert. Le c?ur du stade acquiert alors un nouveau statut, celui d’intérieur.

Lorsqu’on analyse le traitement du toit dans les stades, on s’aperçoit que ce dernier établit une continuité physique ou visuelle avec la tribune. Il forme alors un élément continu et concave.

Dans le cas du stade de Pékin, par exemple, la distinction entre le gradin et la toiture n’existe pas (fig 58). Seul le changement de plan (d’un élément vertical à un élément horizontal) permet  de faire la différence entre les deux éléments.

A l’inverse dans le stade de France la distinction est claire entre le gradin et la couverture (fig 57) (qui n’ont d’ailleurs pas exactement la même forme). L’un est un mur, l’autre un toit, reliés entre eux par 18 haubans. Mais parce que la toiture est bien plus large que les gradins, le regard peut difficilement fuir en dehors du stade. Une continuité existe donc entre la tribune et la toiture du stade.

Comme sur les figures 54 à 58, on observe donc que cette continuité s’opère à travers un angle. L’angle est aigu et tourné vers le stade. Cette disposition spatiale oriente l’espace du stade vers son centre car l’espace créé entre la toiture et le gradin s’ouvre largement vers le terrain sportif et se ferme de façon quasi hermétique par rapport à l’extérieur du stade. Le stade se replie sur lui même, dans la continuité de la« vieille tradition de l’espace intérieur clos et contrasté [37] »dont Venturi parle : l’espace concave.

Mais ce qu’engendre également cette toiture, outre le fait de contraster l’espace du stade avec celui de la ville, c’est de contenir le vide immense du stade.

Bien sur, il n’est pas question de produire un espace complètement couvert compte tenu de la taille de l’édifice, la toiture vient donc seulement recouvrir l’espace des tribunes. Certes, elle permet de les protéger des aléas naturels, mais elle permet également de donner au visiteur l’impression d’un espace fermé.

Un espace quasi clos se forme en effet entre le gradin et la toiture , l’espace est contenu par deux masses, deux limites qui contiennent un sous espace (le toit et le sol/mur) donnant donc le sentiment d’un vide totalement contenu.

La toiture agit comme des bras qui se replient pour mieux contenir l’espace. Seul le lieu le moins accessible du stade n’est pas couvert : le terrain. Il est alors mis en lumière.

 

b) Un élément de mise en lumière du terrain

 

Comme nous l’avons vu précédemment, le stade n’est pas un espace entièrement clos. L’enveloppe formée par le gradin et la toiture s’ouvre à l’endroit du terrain sportif pour former un oculus central: une percée dans la continuité de l’enveloppe du stade.

«L’absence de mur apporte dans l’architecture, la présence de l’homme, de la lumière, du paysage, etc …L’architecture naît quand, à travers les absences de murs, on rend présent ce qui n’est pas architecture[38]»

 

Fig 54 : Le gradin et la toiture de l’Allianz Arena de Munich, générateurs de concavité et convexité.

Fig 54 : Le gradin et la toiture de l’Allianz Arena de Munich, générateurs de concavité et convexité.

Fig 56 : Gradins et toitures fragmentés, mais toujours générateurs d’intériorité. Stade Charléty

Fig 56 : Gradins et toitures fragmentés, mais toujours générateurs d’intériorité. Stade Charléty

Fig 56 : Gradins et toitures fragmentés, mais toujours générateurs d’intériorité. Stade Charléty

Fig 55 : Le gradin et la toiture Concavités du Stade de Bari

Fig 55 : Le gradin et la toiture Concavités du Stade de Bari

Fig 57 : Le gradin et la toiture, générateurs d’intériorité. Stade de France

Fig 57 : Le gradin et la toiture, générateurs d’intériorité. Stade de France

Fig 58 : Concavités du Stade de Pékin

Fig 58 : Concavités du Stade de Pékin

 

Fig 59 : La toiture partielle, une mise en lumière du terrain

 

Fig 60 : L’oculus du Panthéon, dessins de Jesus Aparicio

Fig 60 : L’oculus du Panthéon, dessins de Jesus Aparicio

Fig 61 : L’oculus du Stade de Pékin (Chine)

 

Finalement, cet oculus, qui est la seule véritable ouverture du stade vers l’extérieur devient un véritable puit de lumière qui révèle l’espace intérieur, ses dimensionnements, ses épaisseurs, ses formes. L’oculus révèle le lieu et le mets en valeur, le fait exister.

Cependant, l’oculus n’est pas placé n’importe où. Même de dimensions colossales, il reste au centre de la figure elliptique. Il est également placé juste au dessus de l’espace capital du stade: le terrain sportif. On peut alors faire un parallèle avec l’édifice du Panthéon.

«Dans le panthéon la paroi murale enferme l’espace intérieur à l’extérieur et vice versa. La paroi est un tout continuum qui matérialise l’idée. L’espace se révèle lorsque l’oculus zénithal vient à être ouvert qui dès lors en unissant, grâce à la lumière et la vue, l’intérieur à l’extérieur produit l’émotion.[39]»

L’oculus est donc un élément qui théâtralise. Parce qu’il offre un regard direct sur l’infini du ciel, parce qu’il sacralise la lumière qui entre dans l’enceinte du stade, il donne à l’exploit sportif une importance toute particulière. Tous les regards se portent sur le terrain lorsque la lumière naturelle fournie par l’oculus vient percuter les mouvements des athlètes: une relation intense s’établit entre le terrain le ciel (fig 62).

C’est notamment ce qu’exprime Christian Norberg-Schulz en disant de l’oculus du Panthéon que «L’axe vertical ainsi défini monte librement vers le ciel à travers une grande ouverture zénithale. La dimension sacrée de la verticale se trouve donc intégrée dans l’organisation de l’espace intérieur du Panthéon [40]

La toiture mais aussi l’absence de toiture sont donc bien des éléments de mise en lumière de l’espace et de l’exploit sportif. Ils centralisent et donc sacralisent la scène sportive, mais aussi le stade. Les regards convergent vers le centre.

Fig 62 : L’oculus, un axe vertical, une liaison entre l’athlète et le ciel

Fig 63 : Le parvis, dispositif de suture urbaine – Stade de Pekin

 

B. CONVEXITÉ, LE STADE EN DIALOGUE AVEC LA VILLE

 

Mais si nous avons vu que le stade pouvait, par sa figure d’enceinte, s’établir comme un élément en rupture avec la ville, il est aussi certainement, par son caractère collectif, une enceinte largement reliée à l’espace urbain.

 

1. LE SOL, UN CHEMINEMENT VERS LE STADE

 

Le stade est un objet architectural, il est en partie définit par son insularité. Cette insularité engendre un espace autour de l’objet qui se veut, par définition, vide.

 

a) Le parvis : socle du stade ou place urbaine

 

«Une sculpture ou un bâtiment isolé exercent un rayonnement qui définit un champs plus ou moins précis autour d’eux. Pénétrer dans le champs d’influence d’un objet est le début d’une expérience spatiale[41]».

C’est donc de cet espace que nous parlons ici, du champ d’influence de l’objet-stade. Par ces mots, Pierre Von Meiss sous-entend que l’espace autour du stade est déjà un espace appartenant au stade. Il prend pour exemple la place du Capitole à Rome où la statue de Marc-Aurèle rayonne par le traitement du sol (fig68).

On remarque le même travail sur l’espace autour du stade. Dans les figures 69 à 72 on s’aperçoit que le traitement du sol, son dessin, est le même que celui de la façade.

Fig 64 : Les limites du parvis au Stade Charléty

Fig 64 et 65 : Les limites du parvis au Stade de France

Fig 66 : Les limites du parvis au Stade Olympique de Pékin

Fig 67 : Les limites du parvis à l’Allianz Arena de Munich

Fig 68 : Le champ de rayonnement, analogie avec la place du capitole de Rome

Fig 69 : L’Allianz Arena, continuité du socle et de la façade

Fig 69 : L’Allianz Arena, continuité du socle et de la façade

Fig 70 : le stade San Nicola continuité du socle et de la façade

Fig 70 : le stade San Nicola continuité du socle et de la façade

 

Fig 71 : Le stade de Pékin, continuité du socle et de la façade

Fig 71 : Le stade de Pékin, continuité du socle et de la façade

Fig 72 : le stade de France continuité du socle et de la façade

Fig 72 : le stade de France continuité du socle et de la façade

En effet, dans le cas du stade de Pékin, le dessin de l’enveloppe, ces grandes lignes qui s’entrecroisent, se retrouvent également dans le dessin des chemins autour de l’édifice (fig 71). En regardant le stade de Bari, on observe que les cheminements au sein des parkings rayonnent littéralement depuis les failles du stade (Fig 70). Il en est de même pour l’Allianz Arena ou le stade de France, ou le calepinage du sol souligne les encrages des tirants de la toiture.

Cet espace autour du stade appartient donc bien à l’objet, il en est le socle, l’élément qui le rattache au sol urbain. De par son traitement, se retrouver dans cet espace a priori neutre, c’est déjà expérimenter l’espace du stade. On est alors dans un entre deux, l’environnement est à la fois celui de la ville puisqu’il est public et son paysage est le tissu urbain, mais on est également sur le point d’entrer dans le stade.

Ce que l’on peut également observer sur les figures 64 à 67 c’est que cet espace est délimité par le réseau viaire autour du stade. Ce socle ne dépasse jamais les voies. Il est donc un trait-d’union, un espace, une surface de liaison entre le tissu et l’objet architectural. Il est un élément de suture urbaine.

Il se constitue alors comme un parvis, un espace libre appartenant à la ville et permettant d’introduire l’objet architectural.

C’est notamment le cas à Munich ou le parvis rattache le stade dont l’entrée est sur un socle avec le sol de la ville (fig 73 et 74).

Cependant dans le cas du stade de France, du stade de Bari  ou du stade Charléty, cet espace est séparé partiellement ou totalement de l’espace public classique (rue, place, …) par la présence de grilles. Cet espace ne joue alors plus son rôle d’intermédiaire entre l’objet et la ville, il n’est plus qu’un espace offrant un recul devant un objet monumental.

Malgré ces dispositifs, permettant souvent de contrôler l’accès au stade, on peut affirmer que ce sol, à proximité du stade, joue à la fois le rôle de socle enracinant le stade dans son territoire, mais aussi un parvis dédié aux citoyens voulant pénétrer dans le stade.

Fig 73 : Le parvis, dispositif de suture urbaine Allianz Arena de Munich

Fig 74 : Le parvis, dispositif de suture urbaine Allianz Arena de Munich

Fig 75 : Escaliers et calepinage du sol, Stade Charléty

Fig 76 : Un balcon sur la ville – Stade de Pékin

Fig 77 : Un balcon sur la ville – Stade de Pékin

Fig 78 : Les 4 escaliers vers la tribune principale – Stade Charléty

Fig 79 : Multiplier les passages, relier la ville et l’objet – Stade de France et Stade San Nicola de Bari

Fig 80: Multiplier les passages, relier la ville et l’objet – Stade de France et Stade San Nicola de Bari

 

b) L’accès au stade, porosité de l’enceinte urbaine

 

Alors que le stade semblait être une enceinte étanche, il s’avère qu’il est en réalité très poreux. Très perméable puisqu’il est censé accueillir un grand nombre de spectateurs. C’est d’ailleurs l’un des seuls, sinon le seul équipement de la ville capable de pouvoir contenir une si grande proportion de la population.

Lorsqu’on s’intéresse à nos études de cas, on peut observer que les accès au stade sont pensés comme des éléments de liaison entre la ville et le stade. Le parvis du stade Charléty (fig 75) est réduit à son strict minimum, se confond avec la rue. Cependant, quatre escaliers sont en retrait et se placent de tel sortent qu’ils invitent a pénétrer dans le stade depuis la rue. Il invite immédiatement, et de façon naturelle, à s’élever sur le socle du stade. Un traitement du sol accompagne ce mouvement jusqu’au boulevard. Il existe d’ailleurs une deuxième entrée sur ce boulevard, en front de rue qui invite instantanément, sans parvis, à s’introduire dans le stade.

Dans les cas du stade San Nicola (Italie) et  du stade de France, les accès, eux, se multiplient : 18 escaliers monumentaux rythment la façade du stade de France et 24 failles permettent de pénétrer au c?ur du stade San Nicola (fig 79 et 80).

Cette multiplication des accès entraîne la possibilité pour les spectateurs de pouvoir appréhender le stade depuis n’importe quel endroit. Il n’existe pas une façade, une entrée principale mais une grande quantité, qui rende l’édifice très poreux. C’est ce qu’on pouvait d’ailleurs remarquer dès l’amphithéâtre romain. Si le mur est épais et ne laisse pas passer les regards, ou très peu, il est en fait creux et poreux, laissant très facilement les flux le traverser (fig 14).

Enfin, dans le cas du stade de Pékin, Les accès sont dissimulés dans l’enveloppe (fig 76), il s’établit donc un espace intermédiaire entre les tribunes et l’enveloppe d’acier. L’espace créé est alors à la fois peu ouvert sur le stade puisque  la tribune constitue un obstacle à franchir mais aussi très ouvert sur la ville puisque l’enveloppe est perméable (fig 77). Les circulations deviennent donc de véritables balcons sur la ville. Elles établissent un lien visuel fort entre le stade et le tissu urbain environnant.

Les accès permettent donc à l’enceinte constituée par les tribunes de devenir poreuse et donc de s’intégrer à la ville.

Fig 81 : La façade, élément rayonnant à l’échelle de la ville.

2. LA FAÇADE, UN SYMBOLE DANS LA VILLE

 

Si l’enveloppe n’est pas un dispositif architectural systématique permettant de développer le rapport entre l’édifice et l’espace public, elle est cependant un moyen répandu pour faire dialoguer cette enceinte avec le reste de la ville.

 

a) L’enveloppe, dispositif architectural vecteur d’identité

 

Comme nous l’avons vu précédemment, le stade est définitivement tourné vers son centre. Il est largement ouvert vers le terrain de sport. Par conséquence, il se ferme par rapport à l’extérieur du stade et tourne donc le dos à la ville.

Ce dos peut être laissé tel quel, ne donnant à voir que la face cachée des gradins, leur structure, mais il peut aussi faire l’objet d’un travail, faisant de cet envers, une surface dialoguant avec la ville.

Dans le cas du stade de Bari, cette enveloppe n’est pas dissociée de la structure des gradins. Enveloppe et structure ne font qu’un, mais le travail du profil, montre que l’enveloppe existe réellement et n’est pas seulement le  résultat du dessin structurel (fig 86 et 87). Son dessin diffère de celui de la structure. Alors que les gradins sont rectilignes, une courbe se dessine au niveau de la sous-face et reprend la figure des pétales d’une fleur.

Le stade Olympique de Pékin et l’Allianz Arena de Munich, deux projets des architectes Pierre Herzog et Jacques de Meuron, eux, dissocient la structure accueillant les spectateurs de l’enveloppe extérieure. Dans le stade de Pékin (fig 84 et 85) l’enveloppe en acier joue partiellement un rôle structurel mais il n’en demeure que cette coque existe par elle même et possède donc un rôle particulier, celui de communiquer avec la ville.

Fig 82 : L’enveloppe lumineuse de l’Allianz Arena (Allemagne

Fig 83 : L’enveloppe lumineuse de l’Allianz Arena (Allemagne

Fig 84 : Le nid d’oiseau, enveloppe du Stade de Pékin (Chine)

Fig 85 : Le nid d’oiseau, enveloppe du Stade de Pékin (Chine)

Fig 86 : L’enveloppe convexe du Stade de Bari (Italie)

Fig 87: L’enveloppe convexe du Stade de Bari (Italie)

Fig 88 : La toiture du Stade de France (Italie)

Fig 89 : La toiture du Stade de France (Italie)

 

a) Unicité de la façade – La forme unitaire

 

«La plupart des stades contemporains n’ont plus de façade par quoi on reconnaîtrait une façon d’entrer comparable à celle d’un immeuble d’habitation. Au fur et à mesure des années, les stades sont devenus des blocs, aveugles, souvent ceints d’une enveloppe imperméable à tout regard[42]

L’enveloppe est donc un dispositif architectural largement plébiscité dans le grand stade contemporain.

Ce traitement est aussi choisit du fait du statut particulier du stade, celui d’objet architectural. Comme nous avons pu le voir précédemment, le stade est un objet insulaire, n’ayant pas de lien physique direct avec son environnement. De plus, sa géométrie induit une continuité de ce que l’on pourrait appeler traditionnellement les quatre façades du bâtiment. Le stade ne possède alors qu’une seule et même façade qui vient se déployer sur l’ensemble de l’édifice. Elle est homogène, continue.

Si on observe plus particulièrement le stade de Pékin, dont l’exemple est pertinent ici, on s’aperçoit que  son enveloppe est comme un filtre entre le stade et la ville. Ce filtre possède la même valeur sur l’ensemble de l’enveloppe (fig 91). Il est constitué de centaines de lignes qui s’entrecroisent. Il n’y a qu’un seul plan, toutes les lignes sont coplanaires, jamais l’une ne passe sur l’autre, elles ont toutes la même valeur, sans jamais qu’une seule prenne le pas sur une autre. Ensemble, elles évoquent un volume, une coque plus ou moins abstraite mais qui ne figure à aucun moment, un élément architectural quelconque.

Fig 90 et 91: Le nid d’oiseau, surnom du Stade Olympique de Pékin

Fig 92: L’Allianz Arena, une façade au rythme de ses clubs

Fig 92: L’Allianz Arena, une façade au rythme de ses clubs

Fig 92: L’Allianz Arena, une façade au rythme de ses clubs

Ce travail de l’enveloppe se retrouve dans ce que Jacques Lucan définit comme « La forme unitaire »[43] terme d’abord utilisé par Robert Morris (1931). Cette forme unitaire se distingue de  « la vieille composition morceau par morceau »[44], du fait qu’elle tend à créer des « objets spécifiques » dont la distinction de parties serait impossible. L’édifice n’est plus la conséquence de l’assemblage de parties indépendantes, hiérarchisées,  organisées mais bien un tout. [45]

Ce tout dissout la distinction entre l’objet et l’édifice. Le bâtiment perd le langage architectural qui le définit comme tel et devient un objet dont l’enjeu est le design. Le design de son enveloppe, qui devient alors le support d’un message. Le stade est réduit à la perception de son enveloppe abstraite, qui véhicule alors un message.

 

b) La façade du stade comme support de communication

 

Mais cette façade, enveloppe homogène est aussi le support d’un message. Elle est un outil dessiné pour communiquer avec le reste de la ville.

Dans le cas du stade Olympique de Pékin, le dessin de l’enveloppe a été réalisé en collaboration avec l’artiste chinois Ai Wei wei. Elle reprend la figure du nid d’oiseau (fig 90 et 91).

Le nid d’oiseau et en particulier d’hirondelle possède une valeur toute particulière dans la culture chinoise car c’est un met particulièrement apprécié . Le travail sur la signification de cette façade permet donc d’encrer l’objet architectural que constitue le stade dans les valeurs locales et donc de faire du stade un objet, emblème de la ville et même de la nation chinoise.

L’allianz Arena de Munich, lui aussi réalisé par Herzog et de Meuron, véhicule lui aussi un message, et ce, de manière encore plus directe.

En effet, la façade est une seconde peau constituée de centaines de coussins d’air en ETFE (éthylène tétrafluoroéthylène). Ils adoptent une forme de losange dans lesquels sont placés des néons lumineux.

L’enveloppe sert alors de support de communication pour les matches qui se déroulent dans l’enceinte du stade. Le stade étant conçu pour deux équipes (le FC Bayern Munich et le TSV Munich 1860), ses couleurs peuvent changer en fonction du club jouant ( Rouge et Blanc pour le FC Bayern et Bleu et Blanc pour le TSV Munich) mais aussi en fonction de l’intensité des matchs. Les couleurs s’intensifient à l’approche d’un but par exemple (fig 92).

Pierre Herzog dit d’ailleurs de ce projet : «Notre deuxième concept a donc été de faire en sorte que l’architecture de ce lieu porte l’énergie du centre vers l’extérieur[46]» Cette enveloppe dynamique est donc bien la preuve d’une volonté de communiquer à l’échelle de la ville sur les activités à l’intérieur de l’édifice .

Il serait donc intéressant de faire un parallèle avec les écrits de Robert Venturi dans L’enseignement de Las Vegas.

Robert Venturi, en abordant l’image de l’architecture, sa perception, définit deux types d’architecture : le canard et le hangar décoré.

– Le Canard est «un type de bâtiment-devenant-sculpture[47]», l’espace, la structure et le programme de l’édifice sont submergés par une forme symbolique d’ensemble. Et pour cela il prend l’exemple de la rôtisserie en fore de canard «Long Island Duckling».

Fig 93 : Le canard et le hangar décoré par Robert Venturi

– Le Hangar décoré, lui est un bâtiment où l’espace et la structure sont au service du programme. L’ornementation (que nous pourrions associer à l’enseigne) est apposée sur l’édifice, indépendamment du reste.

De plus, Robert Venturi dit «Le canard est un bâtiment particulier qui est un symbole ; le hangar décoré est un abri conventionnel sur lequel des symboles sont appliqués[48]». L’architecture n’est donc alors qu’un support de communication, «une architecture de communication directe plutôt qu’une architecture d’expression subtile[49]».

Au travers d’une analyse, Robert Venturi affirme même que la cathédrale, monument de toute ville européenne, n’est finalement qu’un Canard et un Hangar. «La cathédrale d’Amiens est un panneau publicitaire avec un bâtiment derrière»[50].  Les exemples vus précédemment coïncident parfaitement avec ces définitions du canard et du hangar décoré. Le stade de Pékin reprend quasi littéralement la forme d’un objet issu de la culture local, L’Allianz Arena possède une façade qui n’est autre qu’un écran retranscrivant colorimétriquement les actions qui se déroulent dans le stade.

Il est finalement évident que le stade contemporain utilise son enveloppe, sa façade, qui est plus ou moins dissociée de sa structure comme un support de communication à l’échelle de la ville. Le stade participe au paysage de la ville et devient par son ornementation «ouverte», un canard (Stade de Pékin) ou un hangar décoré (Allianz Arena), point de repère dans la ville.

Finalement, l’enveloppe est un moyen de communiquer. Mais dans d’autres cas, au travers de dispositifs architecturaux différents, la façade peut répondre à d’autres enjeux comme notamment la monumentalité.

 

Fig 94 : Plan de l’Hôtel de Beauvais, Paris

Fig 95 : Plan du musée des Offices, Florence

 

C. LE STADE, UN OBJET INTÉGRÉ?

 

De cette analyse, il en ressort que le stade n’est pas un objet en rupture totale avec le tissu urbain. Il est un espace à la fois replié sur lui-même pour satisfaire à la théâtralité du spectacle sportif mais il est aussi tourné vers la ville car il est indéniablement un édifice collectif.

Le stade n’est donc pas texture, ni réellement objet, il est mixte.

Colin Rowe, dans Collage City, aborde plusieurs exemples d’édifices comme l’Hôtel de Beauvais (fig 94) ou les Offices de Florence, jouant à la fois le rôle d’objet et de texture dans la ville.

L’exemple des Offices de Florence est particulièrement parlant (fig 95). «Les Offices sont beaucoup plus actifs du point de vue urbanistique : construite autour d’un vide central, c’est une figure stable et de plan simple, avec un pourtour irrégulier, suffisamment souple pour répondre au contexte immédiat. Par l’affirmation d’un monde idéal qui s’adapte aux circonstances, les Offices réconcilient les thèmes opposés de l’ordre conscient et du hasard spontané, alors qu’ils s’accommodent de l’existant tout en affichant leur nouveauté, ils valorisent l’ancien et le nouveau.[51]»

Ils sont donc à la fois des faits urbains, des lieux catalyseurs à l’échelle de la ville, ils possèdent leur forme propre et puissante, sensible depuis l’intérieur (puisqu’il existe un vide central) mais leurs contours sont capable d’adapter la forme initiale de l’objet au contexte environnant.

Il en est de même avec l’Hôtel de Beauvais dont la forme et stable par la présence d’une cour centrale dont la figure est simple, forte mais dont la capacité d’intégration du tissu urbain est très forte.

On pourrait donc comparer le stade à ces édifices mixtes. Le stade possède une forme forte et stable, celle de l’ellipse, qui dessine les contours de l’objet architectural. Mais ce dernier, par la présence d’un parvis, un vide qui joue le rôle  d’élément de suture avec le tissu urbain, vient épouser les contours de la texture environnante. Un dialogue existe entre le stade et la ville.

Le stade, dont la forme est autonome et figée, n’est donc pas un objet isolé, il entretient un rapport dialectique constant avec la cité, la mettant à la fois à distance mais en la laissant aussi le pénétrer.

 

CONCLUSION

 

Pour conclure, le Grand Stade est un objet à la forme simple, pure, stable. Cette forme est archétypique tout en ayant évolué dans le temps.

Alors que le stade originel, celui d’Olympie, était un stade topographique, linéaire et ouvert sur le paysage, il est devenu à l’époque romaine un édifice fermé, centré, replié sur lui-même, et surtout elliptique. Ces changements sont apparus  pour satisfaire à la théâtralité des activités sportives.

Lorsque cet édifice est réapparu dans notre société au XXème siècle, il a d’abord emprunté sa forme à l’idéal grec. Mais aujourd’hui, le Grand Stade, devenu le lieu de tous les spectacles (sportifs et culturels) emprunte l’archétype romain, celui de l’ellipse, tout en le déformant, en l’adaptant à ses propres besoins.

Le Grand Stade est devenu un élément important, un repère pour les habitants de la métropole. D’une part par sa forme qui est monumentale par tous ses aspects mais aussi parce qu’elle confère au stade le statut de lieu de mémoire, de lieu de rassemblement. C’est là que se déroule de nombreux événements majeurs de la ville mais aussi de la nation (tout le monde se souvient de la victoire de l’équipe de France en 1998). Il acquiert ainsi le statut de monument.

Mais si le stade est un monument, ce n’est pas seulement grâce aux activités qu’il abrite. C’est aussi grâce à sa forme qui le rend permanent dans la ville. La figure du stade est si forte, si puissante, si autonome, qu’elle subsiste malgré les changements de fonction qu’il peut subir. Si le stade disparaît, il peut ressurgir plus tard, quasiment intact.

Cette force de la forme, fait de l’édifice un objet autonome. Dans la ville, le stade s’isole constamment, se mettant à distance du tissu urbain. Il possède un champ de rayonnement qui lui permet d’exister par lui-même, même s’il est minime. Le stade révèle donc par sa forme le conflit qui existe entre l’objet et le tissu, les différences qui les caractérisent. Il pose donc la question du lien possible entre ces deux conceptions urbaines.

Le Grand Stade est un objet concave et convexe puisqu’il se présente comme une enceinte, un anneau.

Il est un objet architectural qui s’isole de la ville par la disposition de ses gradins et de sa toiture. Ils engendrent une intériorité, dirigent le regard des spectateurs vers le centre. Ce centre est la scène du spectacle sportif. Etre dans un stade, c’est tourner le dos à la ville.

Mais le stade est aussi un objet de la ville et donc, dialogue avec elle. Son socle est un parvis, un espace d’accueil des citadins. Le stade est un espace fermé mais dont le pourtour se veut être un espace public. L’enceinte qu’il dessine par le biais des gradins n’est finalement qu’une enceinte creuse, poreuse qui se laisse pénétrer aisément : les accès sont nombreux, monumentaux et directs.

Alors, le Grand Stade, bien qu’objet architectural pur, dont la forme est quasi rigide, évidente et autonome, peut s’intégrer dans le tissu urbain. Prendre de la distance avec ce dernier lui permet d’adapter les contours de son parvis aux limites de la texture.

Le Grand Stade tire sa force de sa forme. Elle le rend permanent, monumental, autonome, symbolique. Elle fait de lui un objet dans la ville, un objet avec la ville.

Si aujourd’hui il paraît évident que la forme est l’élément qui donne sa force au stade, cela ne l’a pas toujours été dans ce travail de recherche. Le stade est complexe, subtile et retirer l’essence de sa figure n’a pas été chose facile.

C’est par l’analyse approfondie des exemples et par les questions que soulève Aldo Rossi, que les interrogations que soulevait le Grand Stade se sont imposées. Les éléments de son autonomie, de sa monumentalité, son caractère d’enceinte sont alors apparus au travers de la question de la forme architecturale dans la ville.

Finalement, produire une forme engendre des enjeux de permanence, de spatialité, et questionne l’architecture même d’un bâtiment intégré dans la ville.

Le Corbusier disait «Un édifice est comme une bulle de savon. Cette bulle est parfaite et harmonieuse si le souffle est bien réparti, bien réglé de l’intérieur. L’extérieur est le résultat de l’intérieur[52].» Il émettait l’idée que l’extérieur et donc la forme de l’édifice est une conséquence de sa conception interne. Ce sont les espaces intérieurs qui engendre un édifice.

Mais si l’on s’intéresse aux architectes Pierre Herzog et Jacques De Meuron, un nouveau processus de conception apparaît  avec la notion de forme cherchante (fig 96). Ils questionnent la forme du projet architectural parce qu’elle engendre des interrogations et des réponses à l’échelle du bâtiment mais aussi  à l’échelle urbaine.

La forme peut-elle alors devenir le matériau principal du processus de conception?

Fig 96 : Maquettes de recherche pour le Caixa Forum de Madrid – Herzog et De Meuron

 

Yann HOULLARD

DE1 : A-LTO Dirigé et encadré par Emmanuelle Sarrazin

ENSA Paris-Val de Seine  / Mémoire de master en architecture / Février 2018

 

BIBLIOGRAPHIE

 

OUVRAGES
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FILM
  • HORN O. (1996). Charléty, un stade dans la ville, Arte France, Les Films d’ici

 


 

[1]             ROSSI, A., & BRUN, F. (2001). L’architecture de la ville. Gollion,          InFolio Edition. p23

[2]             Ibidem, p23

[3]             PERELMAN, M. (2010). L’e?re des stades: gene?se et structure d’un                 espace historique : psychologie de masse et spectacle total.                                                Gallion, Infolio Editions. p. 147

[4]             MERLET, P. (2006). Le Petit Larousse illustre? en couleurs. Paris,                      Larousse.

[5]             GAUDIN, H., & GAUDIN, B. (1994). Le Stade Charle?ty. Paris,                           Editions du Demi-Cercle p22

[6]             PERELMAN, M. (2010). L’e?re des stades: gene?se et structure d’un                 espace historique : psychologie de masse et spectacle total.                                        Gallion, Infolio Editions. p. 171

[7]             MERLET, P. (2006). Le Petit Larousse illustre? en couleurs. Paris,                      Larousse.

[8]             STEINMANN, M. (2003). Forme Forte: ecrits/Schriften 1972-2002.                     Basel, Birkha?user. p 192

[9]             STEINMANN, M. (2003). Forme Forte: ecrits/Schriften 1972-2002.                     Basel, Birkha?user. p 192

[10]          Ibidem p 193

[11]          LYNCH, K. (1971). L’image de la cite?. Paris, Dunod. p 82

[12]           LYNCH, K. (1971). L’image de la cite?. Paris, Dunod. p92

[13]          LYNCH, K. (1971). L’image de la cite?. Paris, Dunod, p 93

[14]          Ibidem p 95

[15]           HORN O. (1996). Charléty, un stade dans la ville, Arte France, Les                     Films d’ici

[16]          ROSSI, A., & BRUN, F. (2001). L’architecture de la ville. Gollion,                          InFolio Edition., p 114

[17]          Ibidem., p 23

[18]          ROSSI, A., & BRUN, F. (2001). L’architecture de la ville. Gollion,                          InFolio Edition, p 27

[19]          Ibidem, p 104

[20]          Ibidem p 58

[21]          Ibidem p 59

[22]          ROSSI, A., & BRUN, F. (2001). L’architecture de la ville. Gollion,                          InFolio Edition, p 58

[23]          ROSSI, A., & BRUN, F. (1981). L’architecture de la ville. Paris,                            L’Equerre. p 108

[24]          MEISS, P. V. (2012). De la forme au lieu + de la tectonique:                                 une introduction a? l’e?tude de l’architecture. Lausanne, Presses                  polytechniques et universitaires romandes, p 98

[25]                         MEISS, P. V. (2012). De la forme au lieu + de la tectonique: une                          introduction a? l’e?tude de l’architecture. Lausanne, Presses                                polytechniques et universitaires romandes, 112

[26]          Ibidem, 115

[27]          ROWE, C., KOETTER, F., & HYLTON, K. (2002). Collage city,                             Infolio, p 94

[28]          Ibidem, p 96

[29]          Ibidem, p 94

[30]          Ibidem, p 96

[31]          HORN O. (1996). Charléty, un stade dans la ville, Arte France, Les                     Films d’ici

[32]          APARICIO GUISADO, J. M. (2000). El muro. [Buenos Aires], CP67.                    Traduction de RODRIGUEZ-PAGES, S. «LE MUR» et l’ESPACE :                              définitions (pp. 186 – 219), p191

[33]          Ibidem, p 191

[34]          PERELMAN, Marc. (2010). L’e?re des stades: gene?se et structure                    d’un espace historique : psychologie de masse et spectacle total.                        Gallion, Infolio Editions,p 116

[35]          VENTURI, R. (1999). De l’ambigui?te? en architecture. Paris, Dunod.                 p76

[36]          HORN O. (1996). Charléty, un stade dans la ville, Arte France, Les                     Films d’ici

[37]          VENTURI, R. (1999). De l’ambigui?te? en architecture. Paris, Dunod.   p 72

[38]          APARICIO GUISADO, J. M. (2000). El muro. [Buenos Aires], CP67.  Traduction de RODRIGUEZ-PAGES, S. «LE MUR» et l’ESPACE : définitions (pp. 186 – 219). p 189

[39]          Ibidem, p 198

[40]          NORBERG-SCHULZ, C. (2007). La signification dans

                l’architecture occidentale. Wavre (Belgique), Ed. Mardaga. p101

[41]           MEISS, P. V. (2012). De la forme au lieu + de la tectonique: une  introduction a? l’e?tude de l’architecture. Lausanne, Presses polytechniques et universitaires romandes, p 119

[42]          PERELMAN, M. (2010). L’e?re des stades: gene?se et structure d’un espace historique : psychologie de masse et spectacle total. Gallion, Infolio Editions. p 117

[43]          LUCAN, J. (2017). Composition, non-composition: architecture et théories, XIXe-XXe siècles. Lausanne, Presses polytechniques et universitaires romandes. Chapitre 30

[44]          LUCAN, J. (2017). Composition, non-composition: architecture et théories, XIXe-XXe siècles. Lausanne, Presses polytechniques et universitaires romandes. p 563

[45]          Ibidem. p 563

[46]          PERELMAN, M. (2010). L’e?re des stades: gene?se et structure d’un espace historique : psychologie de masse et spectacle total.  Gallion, Infolio Editions. p. 211

[47]          VENTURI, R., BROWN, D. S., & IZENOUR, S. (1987). L’enseignement de Las Vegas ou le symbolisme oublie? de la forme architecturale.     Bruxelles, P. Mardaga., p 97

[48]          Ibidem, p 100

[49]          Ibidem, p 102

[50]            Ibidem, p 114

[51]          ROWE, C., KOETTER, F., & HYLTON, K. (2002). Collage city,  Infolio, p 101

[52]          LE CORBUSIER, & CLAUDIUS-PETIT, E. (2016). Vers une architecture, p 146


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